Le XVe siècle
Niché au cœur du Léon, le manoir de Keryvon raconte près de six siècles d’histoire bretonne. Ses origines remontent au XVe siècle, lorsque les premiers seigneurs de Keryvon, issus d’une ancienne lignée d’écuyers, unissent leurs armes à celles de familles voisines — de Ploëlan, de Tanguy, de Kermellec ou de Gouzillon.
À la fin du XVIᵉ siècle, la Bretagne — et particulièrement le Léon — connaît une période de prospérité économique. L’agriculture, la culture du lin et la fabrication de toiles fines exportées depuis Morlaix, Landerneau et Roscoff assurent la richesse de la région. C’est dans ce contexte que la famille de Keryvon fait construire sa demeure seigneuriale sur ses terres de Saint-Derrien, alors rattachées à la paroisse de Plounéventer.
Autrefois appelée Keréozen en breton, la demeure se composait d’un corps central flanqué de deux ailes. L’aile gauche, aujourd’hui disparue, était la plus ancienne et remonterait au XVe siècle, comme le témoignent ses fenêtres en accoladeet son arcature décorée.


Le XVIᵉ siècle
Le pavillon principal, massif et sobre, fut ajouté à la fin du XVIIᵉ siècle par Guillaume de Keryvon et son épouse Françoise-Corentine Liminic, fille du bailli de Quimper. Sur la façade est, une inscription gravée dans la pierre rappelle encore leur entreprise :
« Messire Guillaume et dame Françoise… fait bâtir ce pavillon. »
L’entrée ouest est surmontée d’un écusson à couronne comtale, portant les armes des Parscau, seigneurs de Keryvon, alliées à celles de familles voisines. Au centre du jardin, une vasque en granite datée de 1677 rappelle cette époque : elle portait neuf écussons, dont celui de Guillaume de Keryvon et Françoise Liminic. Ces armoiries, martelées et partiellement effacées pendant la Révolution, restent toutefois encore visibles aujourd’hui.
Le jardin clos de murs
À l’est, un belvédère à trois arcades, probablement une ancienne salle de garde, et deux tours à meurtrièrescomplétaient l’ensemble défensif. Les ruines de l’une d’entre elles, une tour carrée dans le coin nord-est, sont encore visibles depuis l’extérieur, bien que deux énormes figuiers à l’intérieur de l’enceinte en dissimulent la présence.
Le jardin clos de murs était autrefois entouré de douves profondes, alimentées par l’eau du moulin seigneurial. Aujourd’hui, seule une portion subsiste le long de la muraille sud.


Des alliances successives
Par alliances successives, Keryvon passe ensuite à la famille Le Roy de Parjean, puis aux de Parscau du Plessix, nobles bretons liés à la marine royale et établis à Saint-Malo. En 1789, Hervé-Louis de Parscau, chevalier et officier de marine, épouse Anne Buisson de La Vigne, sœur de Céleste, l’épouse de François-René de Chateaubriand. Selon la tradition locale, l’écrivain aurait séjourné à Keryvon pendant quelque temps.
XIXᵉ siècle
Le domaine change plusieurs fois de mains au cours du XIXᵉ siècle avant d’être acquis par la famille Frère en 1905, qui entreprend sa restauration. Le manoir conserve aujourd’hui les traces de ces époques successives : la structure du XVIIᵉ siècle, la vasque armoriée du jardin et les ruines de ses dépendances fortifiées.
Symbole de continuité, la devise de ses anciens seigneurs figure encore sur le fronton :
« Sequar quocumque licebit » — Je le suivrai partout où ce sera permis.


Aujourd’hui
Deux chèvres, Boudicca et Éponine, contribuent aujourd’hui à l’entretien des abords du manoir, perpétuant à leur manière la vie tranquille de ce lieu chargé d’histoire. Petit à petit, nous poursuivons la restauration du domaine et réduisons la végétation ainsi que les arbres menaçant la structure de l’enceinte, afin de préserver ce trésor du patrimoine breton.